Placebo

Article rédigé à partir du journal *Raum & Zeit*, n°229/2021

En médecine, un placebo est, au sens strict, un traitement sans substance active, censé n’avoir aucun effet pharmacologique. En général, il est sous-entendu que le patient qui reçoit un placebo ne sait pas que ce “médicament” n’en est pas vraiment un, qu’il est dépourvu de principe actif.

Aujourd’hui, la recherche pharmacologique privilégie les études randomisées, un terme issu du mot anglais “random” signifiant aléatoire; ces études sont considérées comme le standard optimal en recherche scientifique. Les études randomisés en double aveugle se déroulent avec deux groupes de patients : l’un reçoit le médicament actif, l’autre un placebo. Ni les patients ni les médecins ne savent qui reçoit quoi, et ces études servent ensuite à définir des protocoles standardisés et des lignes de conduite pour traiter diverses pathologies.

Mais l’usage du placebo ne se limite pas à la médecine allopathique ; certains thérapeutes en homéopathie y ont aussi recours, notamment en attendant d’avoir une idée plus claire du prochain remède à donner au patient. Personnellement, je ne suis pas une adepte des remèdes placébo, je préfère expliquer à mes patients que parfois il faut savoir attendre pour voir l’effet du remède se déployer avant d’en administrer un autre ou une dose plus élevée du même remède homéopathique, et je vois que mes patients sont alors très compréhensifs. 

Pour le grand public et en général, “l’effet placebo” garde souvent une connotation négative, évoquant parfois la tromperie, car il sous-entend qu’on remplace un traitement réel par un traitement inactif. En effet, il y a une forme de tromperie quand le patient pense recevoir un traitement actif, alors qu’il reçoit un placebo à la place.

Une étude intéressante menée par Bergmann J.F. et al. a exploré ce phénomène en testant le Naproxen®, un anti-inflammatoire, contre la douleur dans une étude randomisée à quatre groupes distincts :

1. Les patients informés de ce qu’ils prenaient :


  – Ceux qui recevaient le Naproxen® et en étaient informés (cercles noirs dans le diagramme).
  – Ceux qui recevaient un placebo et savaient qu’ils prenaient un placebo (cercles rouges).

2. Les patients qui ignoraient s’ils recevaient un placebo ou le Naproxen® :
  – Ceux qui recevaient le Naproxen® sans le savoir (carrés bleus).
  – Ceux qui recevaient un placebo sans le savoir (carrés blancs).

Le diagramme montre les courbes de douleur pour chacun des groupes, les patients évaluant leur douleur à intervalles réguliers sur une période de 3 heures.

L’observation la plus frappante est que les patients informés, qu’ils prennent un placebo ou un médicament actif, ressentent moins de douleur que ceux qui ne savent pas ce qu’ils absorbent ; chez ces derniers, les courbes de douleur augmentent davantage au fil du temps. Bien qu’il reste une différence entre les patients informés prenant le Naproxen® et ceux prenant le placebo, cette différence, marquée par une flèche rouge dans le graphique (indiquée comme “chemischer Anteil” ou “partie chimique”), souligne l’effet du médicament. Cependant, une grande partie de l’amélioration dans les deux groupes informés est attribuée à un effet mental, ou “Geistiger Anteil”.

Ce qui est encore plus surprenant, c’est que la courbe des patients non informés mais prenant le Naproxen® est moins favorable que celle des patients informés sous placebo ! Enfin, la courbe des patients non informés recevant un placebo chute sous leur niveau de douleur initial, vers “Mehr Schmerz” (plus de douleur).

Ainsi, les études randomisées en double aveugle ignorent un facteur crucial : Un patient conscient de prendre un placebo ressent moins de douleur qu’un patient prenant un vrai médicament sans le savoir ! Cela met en lumière un effet qui dépasse le simple effet biochimique et montre l’influence de l’information et de la perception sur la réponse du corps. Lorsqu’on croit prendre quelque chose de bénéfique, même si le “médicament” est vide, cela induit une réponse positive dans le corps, plus puissante encore que de prendre un médicament sans en avoir conscience. L’attitude envers les traitements que nous consommons est donc essentielle.

En conclusion, sur le plan thérapeutique, les informations négatives – ce qu’on appelle l’effet nocebo – peuvent nuire aux résultats. Attention, donc, à la lecture des notices médicales qui listent tous les effets secondaires possibles ! Restez positifs et demandez à intégrer uniquement l’effet bénéfique lorsque vous prenez un médicament.

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